Témoignages sur un dimanche autrement

TEMOIGNAGE d’un spectateur ému, venu assister à la projection et à l’échange avec le réalisateur…

Ce dimanche nous étions conviés à une projection organisée dans le cadre des Dimanche Autrement par Michèle Debidour, en présence du réalisateur Jean-Pierre Améris.

Le public s’est immédiatement trouvé sous le charme de cette magnifique évocation sonore et visuelle de la renaissance d’une jeune fille, enfermée en elle-même par la cécité et la surdité, et appelée au monde par l’infinie sollicitude et patience d’une jeune nonne, sœur Marguerite. Les premières scènes nous placent dans le monde intérieur de Marie Heurtin, un monde silencieux et confus d’éclats de lumières, un monde en gestation et comme en attente de sens. Attachée par des cordes sur la charrette de son père qui l’accompagne à l’abbaye de Larnay, elle semble divaguer et s’abandonner à un flux de sensations chaotique.

Puis c’est la sauvagerie d’un être en détresse qui éclate en mouvements violents et désordonnés. Une fois le contact perdu avec le père tendrement aimé, l’espace environnant semble n’être pour elle que menace et danger. La sœur à laquelle elle a été confiée est aussi prise de panique face à ce déferlement de gestes incontrôlés et c’est dans l’espace parfaitement délimité et soigné du potager des sœurs que la violence chaotique de la fuite éperdue de Marie va s’abattre.

Comment un tel être pourrait-il intégrer un lieu soumis à la règle et à la discipline ?

C’est alors que l’inespéré se produit. Alors même que la mère supérieure signifie au père de Marie l’impossibilité pour son institution d’accueillir une jeune fille à la fois sourde et aveugle, l’infinie délicatesse de la sœur Marguerite pour entrer en contact avec Marie va ouvrir un nouvel espace relationnel entre ces deux êtres qui se rencontrent. Sur la base de ce premier contact, de cette lente et patiente approche de la main de sœur Marguerite vers celle de Marie, une communauté de destin est scellée entre elles. Et c’est bien sur la puissance révélatrice du contact entre deux êtres, entre deux âmes incarnées, que Marguerite va s’appuyer, d’abord pour faire fléchir la mère supérieure qui est catégoriquement opposée à la venue de Marie dans l’institution, puis pour trouver la force de réaliser l’impossible : rétablir la paix et l’harmonie dans l’âme et la chair de Marie grâce à l’inépuisable attention dont elle l’entoure.

Jean-Pierre Améris nous a confié être un cinéaste de la renaissance des êtres, c’est-à-dire de ces moments de grâce où un être fermé, un être meurtri, advient enfin à lui-même par le miracle d’une rencontre, d’un événement inespéré. Son regard sur Marie et Marguerite est à la hauteur de cet ambitieux programme. Sa caméra nous dévoile la beauté là où elle semblait enfermée et dissimulée. Mains et visages révèlent la fragilité et l’intensité des liens qui nous unissent. Le petit couteau de Marie, confiée à Marguerite par la mère de la jeune fille, vient signifier ce lien flottant, et pourtant charnel, aux autres et au monde sans lequel le chaos reprend ses droits sur l’harmonie et la beauté. Tour à tour caressé, embrassé par Marie, puis échangé, et passant des mains de Marie à celles de Marguerite, il va être le premier signifiant qui, tel un appel d’air va permettre à tous les autres signes de s’engouffrer dans cette première brèche dans le mutisme. Marie a basculé dans l’océan infini de la signification et de la communication. A partir d’un simple toucher, Marie et Marguerite ont reconquis l’immensité du monde de la relation.

La musique de Sonia Wieder Atherton accompagne ce dévoilement de beauté et de grâce comme une voix off qui viendrait en contrepoint narrer par la puissante vibration du violoncelle tout ce qu’il y a d’inexprimable dans le lien qui nous relie au monde. La magie du cinéma est de pouvoir nous immerger tout entier, corps et âme, dans l’émerveillement et la douleur d’être au monde qui, tout à la fois débordent le langage, et ne peuvent s’exprimer que par lui.

Que le cinéaste Jean-Pierre Améris, ainsi que les actrices Isabelle Carré et Ariana Rivoire, ainsi que toute l’équipe qui a contribué à la réalisation de ce film, soient remerciés pour l’immense espérance et la puissante émotion que cette œuvre fait naître dans le cœur des spectateurs qui ont eu la chance de la contempler.

Sébastien Camus, paroissien

 

 

 

A la paroisse sainte Anne de Bonlieu  dimanche 24 mars, l’Espérance a pris le visage rayonnant de sœur Marguerite dans le film Marie Heurtin

Ce fut un Dimanche autrement lumineux sous le signe de l’Espérance : Jean-Pierre Améris le réalisateur de Marie Heurtin était à Dieulefit pour présenter ce film qu’il a réalisé en 2014 et qui a eu un succès remarquable jusqu’outre Atlantique !

La journée avait commencé par la messe célébrée à l’église Saint Roch de Dieulefit. Le père Joel Guintang assurant la présidence de la célébration entouré de frère Edmond et de Pierre Bourdrel, diacre, le père Eric Reboul donnant l’homélie. Une dizaine de jeunes confirmands étaient présents et Benjamin, jeune catéchumène, vivait son premier scrutin.

La suite de la journée se déroula au Labor : une foule joyeuse se retrouvant pour l’apéritif et le repas partagé dans la salle à l’étage, puis le film au cinéma.

Jean-Pierre Améris, qui a réalisé 17 films et prépare actuellement Profession du père qui sortira en 2020, s’est toujours intéressé aux laissés pour compte de notre société consumériste : les prisonniers dans Les aveux de l’innocent, les réfugiés dans Maman est folle, les malades en soins palliatifs dans C’est la vie…  Rien d’étonnant donc à le voir se passionner pour l’histoire de cette enfant sourde et aveugle qui serait restée dans l’animalité au fond d’un asile sans la persévérance et le génie éducatif de sœur Marguerite, incarnée avec tendresse et conviction par Isabelle Carré. Dans l’échange qui a suivi, Jean-Pierre Améris a passionné les spectateurs en racontant les étapes de la réalisation depuis le casting qui a permis de trouver la jeune Ariana Rivoire qui interprète Marie Heurtin, jusqu’au choix des morceaux de musique classique qui rythment sa progression. Ainsi cette petite handicapée, qui aurait été rejetée comme le figuier stérile de l’Evangile, put devenir une jeune fille épanouie, capable de communiquer grâce aux signes tapés dans sa main et capable même, après la mort prématurée de sœur Marguerite, d’éduquer à son tour des enfants sourds. Une vraie parabole sur cette petite fille Espérance chère à Péguy qui n’a l’air de rien du tout … et qui entraîne tout.

Michèle Debidour, critique de cinéma et théologienne

 

LES TEMPS FORTS DE LA JOURNEE EN PHOTOS:

1er scrutin de Benjamin, catéchumène.

 

Michèle Debidour, critique de cinéma, Jean-Pierre Améris, réalisateur de « Marie Heurtin » et le père Reboul avant la projection du film.

 

Emouvant témoignage de Gaëtanne

 

 

 

L’histoire de Marie Heurtin:

Marie Heurtin naît le 13 avril 1885 à Vertou (Loire-Inférieure) dans une famille dont les enfants sont frappés de nombreux handicaps. Marie, sourde et aveugle de naissance, grandit pratiquement livrée à elle-même. Son père refuse qu’elle soit placée à l’asile d’aliénés de Nantes.

En 1895, à l’âge de dix ans, Marie est accueillie à l’institution de Larnay près dePoitiers, chez lesFilles de la Sagesse, des religieuses qui s’occupent habituellement de jeunes sourdes.

Son instruction et son éducation sont menées avec succès, par soeur Sainte Margueritte, qui, pendant plus de dix ans, lui apprendra successivement, la relation entre les signes (de la langue des signes) et les objets, puis, dans la main, l’alphabet de la langue des signes , puis l’alphabet Braille, puis les notions de qualification et enfin les notions abstraites.

Marie a 25 ans lorsque meurt son éducatrice, en 1910. Quoique très affectée par cette disparition, elle continue de parfaire son éducation.

À partir de 1907, elle s’occupe d’une nouvelle venue, Anne-Marie Poyet à laquelle elle apprend notamment le braille. Et en 1910, elle accueillera à Larnay sa petite sœur Marthe, elle aussi sourde et aveugle.

Elle reçoit de nombreuses personnalités auprès desquelles elle témoigne du travail accompli à Larnay.

Son histoire a inspiré Jean-Pierre Améris qui a réalisé, en 2014, un film avec Isabelle Carré et Ariana Rivoire.

 

BIOGRAPHIE de Jean-Pierre Améris:

Jean-Pierre Améris est un scénariste et réalisateur français. Diplômé de l’IDHEC, le fameux institut des hautes études cinématographiques, Jean-Pierre Améris débute dans le cinéma en réalisant trois courts-métrages dès 1987. Un de ceux-ci se fait particulièrement remarquer : Interim’remporte le Grand Prix du Festival de Clermont-Ferrand. 5 ans plus tard, il réalise son premier long métrage, Bateau de mariage. Le film est très bien accueilli par la critique qui lui décerne encore une fois de nombreux prix. En 1996, il réalise Les aveux de l’innocent. C’est la consécration : il obtient trois prix au Festival de Cannes.

La consécration Cannoise

En 1998, il côtoie les adolescents pour le drame Mauvaises fréquentations. Deux ans plus tard, il reçoit encore de nombreux prix pour le drame C’est la vie. (avec Jacques Dutronc et Sandrine Bonnaire). En 2004, il s’attaque à l’adaptation d’un roman avec Poids léger. Il réitère l’expérience avec Je m’appelle Elisabeth deux ans plus tard. En 2007, c’est la télévision qui lui décerne des prix pour son téléfilm Maman est folle. Puis il revient au cinéma avec Les émotifs anonymes, porté par Isabelle Carré et Benoit Poelvoorde. Après deux drames (L’homme qui rit, passé sous radar et Marie Heurtin, un film très bien accueilli), il revient à la comédie et retrouve Poelvoorde avec Une famille à louer en 2015.

extraits du magazine Première