Homélie de la Vigile Pascale – Père Eric Reboul

Voici l’homélie de ce jour de Pâques du Père Eric Reboul.

HOMELIE VIGILE PASCALE 2020

Homélie Veillée Pascale, 11 avril 2020 – Père Eric Reboul+

 

« Le Christ est ressuscité ! En vérité, Il est ressuscité »

Comme le dit l’Apôtre Saint Paul « Si le Christ n’est pas ressuscité, Vaine est notre foi »

Il y en a qui n’y croient pas et certains qui en doutent, nous respectons.

Beaucoup objectent que le Christ n’est pas mort (car pour qu’Il ressuscite, il est nécessaire qu’il ait connu la mort)

Alors ils disent : « Bon admettons qu’il soit mort … »

Il n’est toujours pas ressuscité ! Personnellement, je vois très bien les disciples de Jésus faire une entourloupe. Ils volent le corps de Jésus. Ils le cachent. Sans doute le détruisent-ils. Ensuite, ils font semblant de découvrir le tombeau vide et ils annoncent partout que Jésus est ressuscité.

Joli coup ! (n’est-ce pas ?) C’est très intéressant ! Mais l’hypothèse de l’imposture de fonctionne pas. S’il s’agissait de faire avaler cette histoire aux foules, les disciples l’auraient racontée d’une manière plus crédible. Ils ne se seraient pas donné le mauvais rôle.

Quand Jésus est arrêté, ils renient, ils trahissent ils s’enfuient.

Quand il ressuscite, ils refusent de croire.

Un escroc fondateur de secte ne commence pas par dire

qu’il est nul et qu’il n’a rien compris.

Pour tromper leur monde, les disciples se seraient aussi bien gardés

de dire que les premiers témoins furent des femmes …

A l’époque en effet, ni les juifs ni les grecs ni les Romains

ne reconnaissaient la validité de leur témoignage (ils parlaient de radotage)

Vu ces préjugés, le récit tel qu’il est ne pouvait que provoquer rires et moqueries.

Il ne reste qu’une explication : c’est ainsi que ça s’est passé et les disciples n’ont raconté que la vérité.

Même si elle semblait les pénaliser à première vue …

N’oublions pas non plus qu’ils ont témoigné jusqu’au sang.

Tous les Apôtres, sauf un (Judas) sont morts martyrs.

Si nous montions une escroquerie, est-ce que nous maintiendrons ce mensonge face à un tribunal qui nous enjoint d’y renoncer sous peine de torture et de mort ?

La Résurrection du Christ est donc fondée sur le témoignage d’hommes et de femmes qui ont rencontré le Christ vivant.

Le 1er élément que l’on rencontre est le sépulcre vide. Il n’est pas en soi une preuve directe … l’absence du corps du Christ dans le tombeau pourrait en effet s’expliquer autrement.

Malgré cela, le sépulcre vide a constitué pour tous un signe essentiel.

Sa découverte par les disciples a été le 1er pas vers la reconnaissance du fait même de la Résurrection.

Les saintes femmes ont été les premières messagères de la Résurrection.

Après elles Saint Pierre et Saint Jean allèrent au tombeau.

Saint Jean arriva le premier Il affirme qu’en entrant dans le tombeau et en découvrant les linges gisants « Il vit et il crut ».

Cela suppose qu’il ait constaté dans l’état du sépulcre vide que l’absence du corps de Jésus n’a pas pu être œuvre humaine et que Jésus n’était pas simplement revenu à une vie terrestre comme cela avait été le cas de Lazare.

« Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, mais, Il est ressuscité ».

Le témoignage est donc essentiel. Il fonde la foi des chrétiens en la Résurrection du Christ Notre témoignage est essentiel.

Il en va de même pour la Résurrection – Non seulement les dires, c’est à dire le témoignage des Apôtres l’attestent – mais aussi les conséquences que cela a eu pour les disciples du Christ.

Après la mort de Jésus ils étaient abattus, ils se cachaient, mais ensuite peu de temps après ils annoncèrent la joyeuse espérance du Christ Ressuscité

Le traumatisme provoqué par la Passion fut si grande pour les disciples (tout au moins certains d’entres eux) qu’ils ne crurent pas aussitôt à la Résurrection.

 

Loin de nous montrer une communauté saisie par une exaltation mystique les évangiles nous présentent les disciples abattus et effrayés (le visage sombre dit St Luc 24,17)

C’est pourquoi … ils n’ont pas cru les saintes femmes 1ères messagères de la Résurrection qui venaient d’embaumer le corps de Jésus Enseveli à la hâte à cause de l’arrivée du Sabbat (le soir du vendredi saint) – du retour du tombeau « leurs propos leur avaient semblé du radotage ».

Quand Jésus se manifeste aux 11. Il leur apparaît au soir de Pâques et leur reprochera leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité.

Mais devant la réalité ils doutent … tellement la réalité leur paraît être impossible

Thomas connaîtra l’épreuve du doute.

Nous voyons bien que la foi en la Résurrection est née sous l’action de la grâce divine de l’expérience directe de la réalité de Jésus ressuscité.

Nous allons renouveler les promesses de notre baptême en cette fête de Pâques pour être davantage témoins du Ressuscité !

La tempête planétaire nous fait prendre con science que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement.

Comme le disait notre évêque un carême plus que jamais de « dépouillement et solidarité ».

Puissions-nous tirer les enseignements afin que l’après ne soit pas comme avant !

« La vulnérabilité est la première leçon de cette crise »
Mgr André Vingt-Trois (archevêque émérite de Paris)

Cette vulnérabilité est la première leçon de cette crise. La vulnérabilité des individus qui peuvent être contaminés sans même en avoir conscience, la vulnérabilité du système économique mondial, et, en ce qui concerne les pays occidentaux, la vulnérabilité d’un mode de vie. Nous sommes amenés à vivre ce moment à travers le confinement, c’est-à-dire à travers la suppression d’un nombre considérable d’éléments de notre vie qui nous semblaient aller de soi alors qu’ils étaient fondés sur une inégalité de répartition des richesses. Ce déséquilibre économique et social, qui était notre équilibre, est en train de s’effondrer.

Nous voyons bien, aujourd’hui, à travers cette crise sanitaire, la difficulté de notre société à prendre conscience que les ressources ne sont pas illimitées. Qu’il faut les économiser, ne pas les gaspiller, et, les partager. Cette crise impose un certain dénuement, de relations, de loisirs, d’activités. Ce dénuement nous force à reprendre en considération des aspects de l’existence auxquels plus personne ne pensait. Des choses qui tiennent à la vie, à la mort, à la santé, à la précarité de nos relations affectives, de nos relations sociales. René Descartes disait qu’il fallait s’enfermer dans sa chambre pour pouvoir penser. Pour prendre une référence chrétienne, nous sommes en train de vivre un Carême de réalité et non plus un Carême d’intention. Débarrassés d’un certain nombre de divertissements, les conditions nous sont plus favorables pour nous recentrer sur l’essentiel de notre vie ».

Il faut que cela change qu’il y ait un avant et un après !
Père Pierre-Alain Lejeune diocèse de Bordeaux

Et tout s’est arrêté…

Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après ?

 Après ?

Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.

 Après ?

Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.

 Après ?

Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.

 Après ?

Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.

 Après ?

Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous appellerons cela la justice.

 Après ce sera différent d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique.

 Car il n’y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse.

 Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au cœur de l’épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe pas de mot.

 Joyeuses fêtes de Pâques !